Par Jack Maldosh, journaliste, enquêteur, brillant et modeste.
« Vous l’avez demandé, Jack l’a fait ! »
Voici le slogan qui va souffler un joyeux vent de renouveau sur la presse d’investigation, et attirer à votre humble serviteur bien des regards jaloux. Regards jaloux dans lesquels les plus perspicaces découvriront l’habituelle pointe de jalousie admirative à laquelle – au diable la modestie – je suis désormais habitué.
Vous l’avez demandé, je l’ai fait !
Vous vouliez une interview d’Ewilan Gil’ Sayan, non, vous exigiez une interview d’Ewilan Gil’ Sayan, vous tonniez, tempêtiez… Prenant mon courage à deux mains et mon stylo dans l’autre, je me suis une fois de plus glissé dans les limbes du possible, aux frontières de la littérature, du rêve et de la réalité, en quête, cette fois-ci, de la mythique dessinatrice.
J’ai découvert Ewilan sur les bord de l’Œil d’Otolep, alors qu’elle prenait un repos bien mérité, les pieds dans l’eau. À ma grande surprise, elle m’a accueilli avec une vraie simplicité, n’hésitant pas à partager avec moi le sandwich jambon fraises qu’elle avait emporté pour son déjeuner.
Elle a ensuite répondu avec la plus grande franchise à mes questions et c’est avec une immense fierté que je rapporte ci-dessous l’intégralité de notre rencontre.
Jack Maldosh : Mademoiselle Gil’ Sayan, bonjour.
Ewilan : Bonjour monsieur Maldosh.
Jack Maldosh : Je vous en prie appelez-moi Jack. Toutes mes admir… euh… connaissances m’appellent Jack.
Ewilan : Uniquement si vous m’appelez Ewilan.
Jack Maldosh : Très volontiers, Ewilan. Je suis ravi que vous ayez accepté de répondre à mes questions. Vos fans ont des millions de choses à vous demander par mon intermédiaire et pouvoir leur apporter les réponses qu’ils attendent est…
Ewilan : Jack…
Jack Maldosh : … un véritable bonheur pour un journaliste comme moi qui n’a de cesse de bousculer les frontières pour…
Ewilan : Jack !
Jack Maldosh : … apporter aux lecteurs et aux lectrices l’information dont ils ont besoin pour continuer à…
Ewilan : JACK !!!
Jack Maldosh : Oui ?
Ewilan : Dans dix minutes j’ai rendez-vous avec Ellana. Je n’aurai donc pas le temps de répondre à un million de questions mais seulement à deux ou trois… ou à aucune si vous continuez à pérorer.
Jack Maldosh : À quoi ?
Ewilan : À pérorer. Cela signifie jacasser.
Jack Maldosh : Euh… bon… je comprends. Je commence. Ma première question concerne vos yeux, Ewilan. J’avoue que je n’ai jamais rencontré un pareil regard. Des yeux immenses d’un violet intense… profond… éblouissant… magnétique… fascinant…
Ewilan : Votre question, Jack !
Jack Maldosh : Oui, oui. Euh… Portez-vous des lentilles ?
Ewilan : Pardon ?
Jack Maldosh : Pour avoir un regard pareil, portez-vous des lentilles ?
Ewilan (avec un soupir) : Non, Jack. Ni lentilles, ni perruque. Je doute toutefois que vos lecteurs soient intéressés par de tels détails.
Jack Maldosh : Vous avez raison. Leurs préoccupations semblent plutôt tourner autour de votre vie… euh… sentimentale.
Ewilan : C’est-à-dire ?
Jack Maldosh : Eh bien… Je vais être franc avec vous. Beaucoup de lecteurs vous trouvent injuste avec Salim. Il vous aime, vous l’a avoué, et l’a prouvé à de multiples reprises. De plus il est jeune, beau garçon, vif, intelligent, spirituel…
Ewilan : Je sais tout cela. Je connais Salim depuis des années.
Jack Maldosh : Pourquoi donc le traiter aussi mal ?
Ewilan : Je ne le traite pas mal du tout. Relisez La forêt des captifs ou L’Œil d’Otolep si vous en doutez. Comme je vous le disais, je connais Salim depuis longtemps. Notre relation s’est bâtie sur un mode qui nous appartient. À nous et à nous seuls.
Jack Maldosh : Et Liven ?
Ewilan (qui rosit) : C’est un ami.
Jack Maldosh : Vos lecteurs vous ont trouvée très… euh… tendre avec cet… euh… ami.
Ewilan (qui rougit) : Que voulez-vous dire ?
Jack Maldosh : Vous l’embrassez ! Avec fougue, me semble-t-il. Avec passion ! Comme s’il éveillait en vous des sensations que ce pauvre Salim n’a jamais su faire naître.
Ewilan (écarlate) : Vous vous égarez, Jack !
Jack Maldosh : Niez-vous ce qui s’est passé aux pages 146 et 147 de L’Œil d’Otolep ?
Ewilan : Non, bien sûr que non.
Jack Maldosh : C’est tout à votre honneur d’assumer cette scène. Mais, voyez-vous, nombre de vos lecteurs en ont conçu une rancœur tenace envers Liven. Des pétitions circulent, exigeant de l’auteur qu’il le supprime, si possible dans d’atroces souffrances. On le soupçonne d’être de mèche avec Eléa Ril’ Morienval, de vous manipuler, de chercher à…
Ewilan : C’est ridicule ! Liven est un garçon génial. Il est séduisant, extrêmement doué, intelligent, plein d’humour… Où sont ses défauts ?
Jack Maldosh : Wouahou ! Vous le défendez avec ardeur !
Ewilan : J’ai beaucoup… d’estime pour Liven.
Jack Maldosh : Je vois. De l’estime… Pour résumer, on peut donc dire que votre cœur balance entre Salim et Liven ?
Ewilan : …
Jack Maldosh : Vous ne souhaitez pas répondre ?
Ewilan : Tout ce que je peux dire, c’est que ma décision est prise.
Jack Maldosh : Très bien, je prends bonne note. Rendez-vous dans le prochain volume pour connaître la teneur de cette décision. Une dernière question ?
Ewilan : Je vous en prie.
Jack Maldosh : Emma de chez Rageot reçoit chaque jour un nombre impressionnant de lettres demandant une troisième trilogie ! Les tentacules du mal marquent-elles vraiment la fin de vos aventures ?
Ewilan : Oui, Jack.
Jack Maldosh : En êtes-vous sûre ?
Ewilan : Après Les tentacules du mal, le monde n’arrêtera pas de tourner, c’est certain. Ceux d’entre nous qui auront survécu aux dangers qui nous attendent poursuivront leur chemin, mais l’auteur n’a plus envie de parler de ce chemin. C’est son droit et je le respecte.
Jack Maldosh : Ne trouvez-vous pas cela dommage ? Il y a tant de lieux qui n’ont pas encore été visités, tant d’ennemis qui n’ont pas été affrontés, d’énigmes qui n’ont pas été résolues… Il y aurait tant de choses à raconter ! N’avez-vous pas envie d’insister auprès de l’auteur ?
Ewilan : Non. J’avoue même que retrouver enfin une part de vie privée me fait plaisir, mais si vous voulez essayer, ne vous gênez pas.
Jack Maldosh : Bonne idée. Savez-vous où le joindre ?
Ewilan : Bien sûr. Nous sommes en contact quotidien. Je vais vous donner son numéro de téléphone.
Jack Maldosh : Euh… Ewilan ?
Ewilan : Oui ?
Jack Maldosh : Puisqu’on parle de numéro, euh… vous n’auriez pas celui d’Emma ?
Ewilan : Désolé, Jack. Emma est une amie et je ne divulgue jamais le numéro de mes amies.
Jack Maldosh : Mais… c’est important ! C’est pour samedi soir, euh… qu’est-ce que je raconte… c’est pour le travail !
Ewilan : Jamais, Jack. C’est un principe.
Jack Maldosh : Allons, Ewie, soyez sympa.
Ewilan (sèche) : Je m’appelle Ewilan.
Jack Maldosh : Allons, Ewilan, soyez sympa.
Ewilan (très sèche) : Vous souhaitez vraiment que je vous fasse un dessin pour vous aider à comprendre ?
Jack Maldosh : Non, non, ça ira. Merci beaucoup pour vos réponses, Ewilan. Je suis certain que vos lecteurs seront comblés.
Ewilan : Merci à vous Jack. À bientôt.